"Dire qu'on a été des profiteurs du Covid, c'est ignoble" : le laboratoire Inovie choqué par les "méthodes" de Cash Investigation sur France 2
Le magazine Cash investigation, diffusé jeudi 22 février à 21 h 10 sur France 2 a fait l’effet d’une bombe sur les dirigeants, syndicats et salariés du groupe Inovie, pour des raisons bien différentes. Entretien avec Benoît Ponseillé, directeur général du groupe Inovie et médecin biologiste.
Comment avez-vous vécu la diffusion de Cash Investigations ?
L’intitulé "Profiteur de crise" nous a profondément choqués. Toute la profession a été ébranlée. Nous sommes des techniciens, des secrétaires, des biologistes… Argumenter qu’on a été des profiteurs d’une crise dramatique, qui a mis le pays à genoux, c’est ignoble. On a travaillé sans relâche, sept jours sur sept, sous la pression des autorités, des tutelles. C’est racoleur et ce n’est pas un travail de journaliste. On a été sollicités avant l’été, et puis plus rien. En décembre, ils ont débarqué sur le parking et c'est seulement après qu'ils nous ont adressé leurs questions, auxquelles nous avons bien sûr répondu. On aurait pu construire un dialogue dans la confiance.
En pleine pandémie, Inovie a ouvert son capital à des fonds d’investissement. Dans quel but ?
La biologie médicale subit une longue période d’austérité et de baisse de son financement depuis 10 ans. En 10 ans, l’État a économisé 6 milliards d’euros sur l’enveloppe de financement de la biologie. Cette situation a contraint les laboratoires à se rassembler et à faire appel à des partenaires financiers, conformément à la loi, pour poursuivre leur mission de soin.
Depuis, des salariés dénoncent une course à la rentabilité et un plan social déguisé qui aurait permis à l’entreprise de se séparer de 1 000 employés. Qu'en dites-vous ?
Ce sont pour la quasi-totalité, des fins de CDD, des départs à la retraite ou volontaires et accompagnés. 50 % de l’activité a été perdue en 2023 avec la fin des tests PCR. Et tant mieux. Comment maintenir ces effectifs ? On était alors en pénurie et l'état avait ouvert des dérogations en ressources humaines, pour effectuer un certain nombre de tests, par des étudiants, par exemple, pour répondre aux différents à-coups. Nous avons répondu à la commande de l’État : 700 000 tests par semaine dès juillet 2020, ce qui a mécaniquement entraîné un pic d’activité. Ce pic a nécessité le recrutement important mais temporaire de CDD comprenant des collaborateurs non habilités à exercer hors dépistage Covid. Depuis le 1er août 2022, la loi mettant fin à l’état d’urgence, a mis fin dans le même temps à cette dérogation exceptionnelle et à ces contrats.
Dans quels volumes avez-vous répondu à la crise du COVID ?
La profession a réalisé un total de 168 millions de tests en France. Notre activité de "routine" a augmenté de 50 % sur un espace très court, et il y a eu 7 vagues de testings, chacune de plus d'un mois, espacées entre elles de façon imprévisible.
Vous avez expliqué aux salariés que vous "placiez l'humain au cœur de votre priorité", mais ces derniers disent vivre des souffrances au travail. Que leur répondez-vous ?
Il faut réadapter les fonctionnements. Les organisations sont perturbées, c’est mal vécu, on en est conscients et sensibles. Le reportage a mis en lumière un fond de vérité. On est allés vers les syndicats, et pas l’inverse. Une boîte mail a été dédiée à la remontée de problèmes des salariés, ce qui nous permettra de prendre le pouls de cette tension sociale. On va la prendre à bras-le-corps. Le dialogue social reste permanent.
Et des mobilités inexplicables ?
La clause de mobilité est utilisée pour assurer l’efficience de notre maillage territorial. C’est historique chez nous, elle existe dans tous les contrats. Toutes les personnes qui rentrent depuis cinq ans l'ont. On adapte les effectifs. Au moment du Covid, l'ARS nous appelait la veille pour le lendemain. Et il fallait répondre partout.
Le ministre de la santé en 2023 François Braun voulait imposer aux laboratoires une baisse des remboursements afin d'économiser 1 milliard d’ici 2026, au vu des marges réalisées sur les tests PCR ? Qu'en pensez-vous ?
Après le Covid, les laboratoires ont consenti à un prélèvement pérenne par l’Etat de 250 M€ en 2023 suivi d’une nouvelle baisse pérenne en 2024 de l’ordre de 180 M€. Ainsi, contrairement à ce qui a été affirmé dans l’émission, l’ensemble de la profession aura participé à une nouvelle économie d’1 milliard d’ici 2025, sur une enveloppe de 3,8 milliards.
Chaque test aurait été remboursé 73€, soit 50 à 70 % plus cher que dans les pays voisins. Est-ce juste ?
Contrairement à ce qu’affirmait l’émission, le prix des tests a connu des baisses de tarifs successives faisant des tests français parmi les moins chers d’Europe : dès 2021, un test PCR coûtait 49 € en France contre 69 € en Allemagne ou encore entre 75 et 150 € en Espagne.
Du cash pour les investisseurs !
"Les crises s’enchaînent. La plupart des Français en souffrent, mais d’autres en profitent."
Par ces mots, Élise Lucet donne le ton du magazine Cash investigation, diffusé jeudi 22 février à 21 h 10 sur France 2 qui fait l’effet d’une bombe sur les syndicats et les salariés du groupe Inovie, dont le siège est à Montpellier. Ce qu’on cherche à démontrer dans ce magazine réalisé par Claire Tesson intitulé Profiteurs de crise, c’est l’enrichissement de certaines entreprises, sur le dos du Covid ou de la guerre en Ukraine.
Dans le viseur, les fournisseurs d’énergie et les grands groupes d’analyses médicales, dont Inovie, que préside Georges Ruiz, fondateur de Labosud en 2010. "Au début du Covid, chaque test a été remboursé 73 €, soit 50 à 70 % plus cher que dans les pays voisins. Les fonds d’investissement ont flairé la bonne affaire et sont de plus en plus présents au capital des grands groupes d’analyses médicales", décrit Élise Lucet.
"Le géant accueille 70 000 patients sur 600 sites et réalise plus d’un milliard de chiffre d’affaires en plein Covid." Un "super deal" serait alors proposé aux biologistes d’Inovie dont les parts "sont valorisées à 320 %, sachant qu’on a tous 1 M€ de parts, on s’est retrouvés avec plus de 3 M€ chacun. C’est comme gagner au loto", témoigne l’un d’entre eux, en caméra cachée.
"Sur les quelque 400 biologistes associés, certains réinvestissent. Avec l’arrivée des actionnaires, et la fin des tests PCR, la direction s’oriente vers la rentabilité", poursuit la journaliste. En 2020 l’EBITDA (bénéfice avant intérêts et impôts) est de 27 %. Un taux qui doit atteindre les 31 % en 2025 selon le business plan. Quoi qu’il en coûte ? "On est un groupe libéral", justifie Georges Ruiz, intercepté sur son parking. À l’interview qui lui est proposée, il répond "non", mais transmet un courrier à la production dans lequel il maintient que "sur les effectifs, il n’y a pas d’enjeu à la rentabilité".
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