Choléra à Mayotte : comment expliquer la recrudescence des cas sur l'île française depuis le mois de mars ?

  • Le choléra est provoqué par l’absorption d’aliments ou d’eau contaminés par une bactérie.
    Le choléra est provoqué par l’absorption d’aliments ou d’eau contaminés par une bactérie. DR
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CM AVEC AFP

Maladie infectieuse pouvant être foudroyante, le choléra a fait un premier mort à Mayotte, ce mercredi 8 mai. Il s’agit du premier décès enregistré sur le territoire depuis la détection d’un premier cas mi-mars.

Dans le département français de Mayotte, situé dans l’océan Indien, un enfant de trois ans est mort du choléra ce mercredi 8 mai. Deux jours plus tôt, au 6 mai, 56 cas de cette maladie infectieuse étaient identifiés sur l’île, alors qu’il n’y en avait aucun il y a deux mois.

Le premier cas de choléra a été détecté à Mayotte le 18 mars 2024. Le nombre de personnes malades s’élevait à 13 le 26 avril, avant de doubler à 26 cas le 28 avril.

Cette flambée intervient alors qu’une importante épidémie est en cours dans l’archipel voisin des Comores où on comptabilise 98 décès et plus de 4 900 cas depuis le début de l’année.

"C’est le brassage de population qui favorise la prolifération de la maladie", rappelle Fahad Idaroussi Tsimanda, spécialiste de l’île et docteur en géographie à l’université Montpellier III. Si le foyer épidémique provient de cas issus des Comores, la prolifération du choléra serait aussi favorisée par "le manque d’infrastructures et de personnels hospitaliers".

Explosion mondiale du nombre de cas

Mais Mayotte ne fait pas figure d’exception. Effet du changement climatique et de la multiplication des conflits, le nombre de cas de choléra explose actuellement dans le monde, souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les cas rapportés (une partie seulement des cas avérés) ont plus que doublé entre 2021 et 2022 pour atteindre 473 000, puis ont encore grimpé à plus de 700 000 en 2023.

Comores, République démocratique du Congo (RDC), Éthiopie, Mozambique, Somalie, Zambie et Zimbabwe figurent parmi les pays les plus sévèrement touchés actuellement.

Eaux contaminées

Infection diarrhéique aiguë, le choléra est provoqué par l’absorption d’aliments ou d’eau contaminés par une bactérie, le bacille vibrio cholerae ou vibrion cholérique.

Les trois quarts des personnes infectées n’expriment aucun symptôme. Mais quand elle se manifeste, la maladie peut être redoutable pour 10 à 20 % des cas, avec diarrhées sévères et vomissements qui provoquent une déshydratation accélérée.

En l’absence de traitement, le choléra est l’une des maladies infectieuses les plus rapidement fatales : la mort peut survenir en un à trois jours. Seule une prise en charge rapide par perfusion, avec l’administration de sels de réhydratation et d’antibiotiques, permet d’éviter la mort.

Marqueur de pauvreté et de conflits

Haïti, Syrie ou RDC : la liste des récentes flambées de choléra montre combien cette maladie est un marqueur de la pauvreté, de l’instabilité et des conflits armés.

"Il existe un lien étroit entre la transmission du choléra et un accès inadapté à l’eau potable et à des installations d’assainissement", souligne l’OMS.

Les endroits à risque d’épidémie sont typiquement des camps de réfugiés : les crises humanitaires avec les déplacements de populations et des difficultés d’accès à l’eau potable, augmentent considérablement les risques.

Favorisé par le changement climatique

Le changement climatique en augmentant intensité et fréquence des inondations, des cyclones et des sécheresses, perturbe l’accès à l’eau potable et "crée un environnement idéal pour le développement du choléra", selon l’OMS.

Exemple récent : les cas de choléra au Mozambique ont été multipliés par dix après le passage du cyclone Freddy qui, début 2023, a privé d’eau potable une partie des habitants.

Des vaccins en nombre insuffisant

Plusieurs vaccins oraux ont été mis au point et sont recommandés par l’OMS pour les zones où le choléra est endémique et durant les épidémies. Mais la multiplication des flambées a limité dangereusement les stocks et contraint les organisations humanitaires à réduire le nombre de doses administrées lors des campagnes de vaccination.

L’OMS a donné en avril son feu vert à la version simplifiée d’un vaccin, produit par le groupe sud-coréen EuBiologics, pour accélérer la production et regonfler les stocks mondiaux de sérums anticholériques.

À Mayotte, une campagne de vaccination est en cours avec plus de 4 000 personnes vaccinées à ce jour, selon l’Agence régionale de santé. À la question de savoir si la situation sanitaire risque de s’aggraver, Fahad Idaroussi Tsimanda répond que "la situation est préoccupante". Il rappelle que même si les mesures de restriction de l’accès à l’eau ont été allégées, elles existent toujours et que "le contexte actuel favorise la prolifération".

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Les commentaires (5)
Laurent34070 Il y a 10 jours Le 10/05/2024 à 07:13

Ce qui est triste dans cette histoire c'est la mort d'un enfant.
Après nos politiques, pourtant si prompts à dénoncer les inégalités dans le monde, en oublient les inégalités au sein de notre nation et des gens qui en font partie. A force de regarder ailleurs et de ne pas regarder, et traiter, sa Nation nous en arrivons à une situation aussi dramatique que celle-ci : une explosion de choléra dans un pays qui se vante d'être "développé" !!!!! Pour nos élites, cela doit être des sous-départements. Nous avons le problème du choléra et de la violence à Mayotte, en Guadeloupe c'est la problématique des coupures d'eau, dans les autres départements ultra-marins il doit bien avoir d'autre problématiques importantes mais c'est loin...

GRrartunabolfachau Il y a 10 jours Le 09/05/2024 à 19:43

roundinaire Il y a 34 minutes allez y, on vous rejoins après les JO, on va pas rater AYA, vive la zone, comme dit Jul

roundinaire Il y a 10 jours Le 09/05/2024 à 19:04

C'est encore une histoire de gros sous . De l'argent il y en a à foison pour les JO , pour la balade de la flamme , mais il y en a pas pour assainir la production d'eau potable . Dans quel pays vivons nous pour laisser nos concitoyens de cette île être dévasté par le choléra