André Lubrano : "J'ai eu de la chance de participer à cette aventure politique"

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  • Le Sétois André Lubrano a décidé de stopper la politique, après une trentaine d'années de mandat.
    Le Sétois André Lubrano a décidé de stopper la politique, après une trentaine d'années de mandat. Midi Libre - Caroline Froelig
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Propos recueillis par Caroline Froelig

Conseiller régional depuis 2010, élu pour la première fois dans l'opposition à Sète en 1989, celui qui fut aussi 1er adjoint de François Liberti à la mairie de Sète de 1995 à 2001, arrête. À 74 ans, le socialiste explique son choix et revient sur trente-deux ans de vie politique et surtout de projets et d'engagement autour du monde de la pêche et de l'ostréiculture. 

Pourquoi avoir pris la décision d'arrêter la politique ? 

Cela fait déjà quelque temps que j'ai pris cette décision, estimant qu'il faut savoir s'arrêter. Ce n'est pas plus mal pour le renouvellement du personnel politique et pour la démocratie. Cela me fait déjà deux mandats de conseiller régional. Je n'aime pas parler de l'âge, mais il vient un moment où il faut savoir tourner la page.

Avec le temps passé dans l'opposition, mon premier mandat je l'ai eu en 1989, aux municipales. Donc depuis, à part une interruption de 6 ans, j'ai été  élu dans l'opposition ou la majorité. Cela fait une trentaine d'années que je suis là. C'est le moment de  passer la main, en toute simplicité. J'ai essayé, je me suis investi dans l'intérêt général, d'abord pour faire avancer ma ville. Puis après j'ai eu l'opportunité, sur la proposition de Georges Frêche, de me présenter.  Il avait pris la décision de prendre le port de Sète, de s'investir et de tourner la région vers la mer et ça m'intéressait. C'est dans ces délégations que je me suis épanoui. J'ai pris beaucoup de plaisir à aider, à faire avancer les choses. J'ai connu quatre présidents et j'ai eu de la chance de participer à cette aventure politique. 

Et je vais terminer mon mandat comme il faut, en faisant un bilan et en faisant le tour de tous les acteurs.  

Les dossiers majeurs de ses mandats de conseiller régional

 

"Le pont Sadi-Carnot ! Et bien sûr le port de Sète. Et aujourd'hui Port-La Nouvelle.

Au départ, c'est le port de Sète. Georges  Frêche a décidé d'investir et c'est une bonne chose, parce que ce port était en train de mourir de sa belle mort. Il a su le relancer. Et aujourd'hui il a une potentialité énorme et on le voit de plus en plus, avec l'intermodalité. L'élargissement du canal du Rhône à Sète qui va continuer. Les voies ferrées : aujourd'hui, il y a des convois à hauteur de deux ou trois par semaine. 

Et puis les investissements qu'il y a eu pour entretenir les quais de la ville de Sète. En commençant par le quartier de la Pointe-Courte, où on a refait le quai. Le Môle Masselin, dans le port, qui permet de recevoir deux ferries en même temps. Le développement du port. La mise en place d'une politique de plaisance. L'aménagement du bassin de Cayenne. Les quais de la République, d'Orient, Maillol, que la présidente est venue inaugurer.

Nous continuons à rénover les quais et nous sommes en pleine réorganisation pour la pêche. Et ce n'est pas exhaustif comme bilan. 

J'ai aussi beaucoup aimé travailler avec les pêcheurs. Essayer de faire avancer les choses au sein de l'association des régions de France par rapport à la pêche, aux problématiques avec l'Europe. J'ai eu le même investissement pour l'ostréiculture. Eux aussi ont des difficultés. Et la Région fait preuve d'une solidarité exemplaire vis-à-vis de ces filières. 

Ma satisfaction, c'est de voir que Carole Delga continue cette politique sur le développement de l'économie bleue et le développement portuaire, qui est d'une importance capitale pour l'emploi. Sur Sète, c'est quand même plus de 3 000 emplois, directs et indirects. 

Et puis il y a mon investissement  au Cepralmar depuis 10 ans. On a su en faire vraiment un centre technique à la disposition des professionnels, qui sont partie prenante. J'ai fait mon dernier conseil d'administration. La dernière assemblée générale aura lieu en juin."

Le cœur sera un peu serré ? 

Oui. Quand on s'investit pendant des années, sur des objectifs et un engagement, on a toujours le cœur qui se serre quand on dit au revoir aux copains. Dans les deux filières pêche et ostréiculture, sur tout le littoral, beaucoup sont devenus des amis. Et il y a aussi la communauté portuaire sétoise, qui joue le jeu vraiment.

Il y a Sète et Port-La Nouvelle, avec des objectifs vertueux d'assainir tout ce qui est pollution, avec des branchements hydrogène vert. Port La nouvelle va devenir le port de la transition écologique. Mais déjà, à Sète, on a  commencé. À la fin du mois on va par exemple faire des essais sur des bateaux antipollution. Tout cela, c'est prenant, ça me passionne.

Alors c'est sûr que du jour au lendemain...  Dans ma décision d'arrêter, j'ai fait savoir à la présidente, tout de même, que je ne voulais  plus être conseiller régional, mais que je me tenais à sa disposition si elle avait besoin de moi pour des missions, modestement. 

Être élu, qu'est-ce que cela a représenté ? 

Si je fais le bilan de la vie que j'ai menée, je me suis toujours enrichi au contact des autres. Que ce soit avec le sport ou la politique. Je suis un autodidacte. J'ai quitté l'école à 13 ans. Les gens t'apportent toujours quelque chose. Bien sûr, il y a des déceptions, sur le plan humain. Mais je retiens beaucoup plus de satisfactions que de déceptions. Les déceptions, quand on prend un peu de recul, on met un mouchoir dessus et on ne garde que les bons moments.

Le rapport humain, pour moi, est important. Si la vie me donne quelques années, je compte rester au contact des gens, rendre service dans la mesure de mes moyens. 

Devant la Maison de la mer de Sète, dans le bateau du Cepralmar.
Devant la Maison de la mer de Sète, dans le bateau du Cepralmar. Midi Libre - Caroline Froelig

Une rencontre politique qui restera ? 

Georges Frêche d'abord. C'était un homme extraordinaire, un meneur d'hommes. On avait envie de se mettre derrière. Même en tant que simple soldat. Après, j'ai eu deux autres présidents qui chacun dans leur style ont continué à bien travailler.

Et puis politiquement, Carole Delga, une femme, qui a un courage extraordinaire. Qui a su  - ce qui n'était pas évident - assumer la fusion de deux régions en une grande région. Je crois qu'elle le fait bien. Elle a une volonté, elle est sur tous les fronts et elle le fait avec panache. C'est pour cela que je continuerai, si je peux, à la servir modestement.

André Lubrano lors du premier conseil régional de la grande région Occitanie à Toulouse.
André Lubrano lors du premier conseil régional de la grande région Occitanie à Toulouse. Midi Libre - SYLVIE CAMBON

Et puis il y a  des époques  politiques qui m'ont marqué. Quand on a gagné la ville avec la gauche. Après, il y a eu des désaccords. Mais cela a été un  grand moment. Et 1981 ! On revenait d'un match de rugby à Toulouse quand on a appris ça à la radio, en voiture. On a explosé de joie ! 

Quel a été, au départ, votre engagement militant ? 

Au départ, je n'étais pas fait pour être dans un parti. J'étais militant écolo alors que les écolos n'existaient pas. Mon premier engagement a été pour la défense des étangs, avec Francis Crouzet notamment. On était tout un groupe. On s'est lancés dans la  protection des étangs quand il a été question de faire une centrale nucléaire aux Aresquiers ! Nous étions contre car nous disions que rejeter de l'eau chaude en mer qui rentrerait dans l'étang de Thau... On voit bien aujourd'hui que l'on n'avait pas tort ! C'est comme ça que j'ai commencé.

Cet engagement m'a amené  à rencontrer quelqu'un qui est devenu un ami, Paul Alliès. Deux hommes m'ont amené au parti socialiste : lui et Jean Lacombe. J'étais sur la liste de Jean à Sète en 1989, quand il a été au second tour contre Marchand. Sinon, je ne pensais pas un jour rentrer dans un parti. Après, j'avais une sensibilité de gauche assez ancrée. J'avais de la sympathie, à l'époque, comme tout jeune, à 22 ans, à la sortie de 1968, pour l'extrême gauche. 

Ses grandes dates

André Lubrano est né le 19 septembre 1946 à Sète.

Enfant de la Pointe-Courte, il devient joueur de rugby à XV. Champion de France avec l'AS Béziers (où il joue de 1966 à 1974), il est appelé en équipe de France en 1972 et 1973. Ce talonneur est aussi jouteur. Il remporte deux fois la Saint-Louis (1978 et 1987). 

Sa carrière politique à Sète débute en 1989. Il est élu d'opposition, sur la liste de Jean Lacombe. En 1994, il se présente comme conseiller général sur le premier canton pour le PS. En 1995, il est candidat avec François Liberti, sur une liste d'union à gauche, pour remporter, la Ville de Sète.Il sera son premier adjoint jusqu'en 2001. Ils sont défaits aux municipales de 2001, élus dans l'opposition. Perte également du premier canton. Lubrano se présentera sans le PC aux échéances suivantesde 2008 et 2014, également perdues. Il est élu en 2010 en conseiller régional, sur la liste de Georges Frêche, puis est réélu en 2015.

En prenant de la maturité, on ressent le besoin de s'engager pour faire avancer ce en quoi on croit. On est en lutte quand on n'est pas au pouvoir. Il faut ensuite travailler à l'intérieur de son propre camp  pour essayer de recadrer les choses. 

Comment fait-on pour rester soi dans le dur milieu politique ? 

C'est peut-être le plus compliqué. Souvent, les gens qui me connaissent me disent : "Comment tu fais pour supporter ça ?" C'est vrai qu'en politique on avale des couleuvres. Mais quand on voit qu'on participe et qu'on arrive à faire bouger les choses, cela motive. Le bon côté prend le dessus. Je suis révolté par contre par ceux qui disent "Tous pourris !". Dans tous les gens que j'ai côtoyés, j'en ai rarement vu qui le faisaient par intérêt. Je ne dis pas que cela n'existe pas. Mais il y a tellement de gens investis dans des conseils municipaux sans indemnité, sans rien, il ne faut pas croire... De tous bords, il y a des gens qui croient  et qui s'investissent. 

Le premier des socialistes sétois en 2005.
Le premier des socialistes sétois en 2005. Midi Libre - CAMBON SYLVIE

Et il y a de l'ego en politique, sinon on n'irait pas. J'en ai sûrement un peu...

Un regret politique, sorti du mouchoir ? 

Je ne veux pas lancer un débat.. Je ne regrette pas de m'être présenté aux municipales avec François Liberti. On a gagné, sur invalidation. On a travaillé ensemble. Quand on est arrivés au bout du mandat en 2001, il n'était pas question que je remette en cause l'alliance. On a été battus par Commeinhes. À l'élection suivante, j'ai expliqué que pour faire une union, il fallait changer la gouvernance.  Il faut voir comment j'ai été traité. Ce n'était plus possible. 

On peut regretter un projet qui n'aboutit pas. Mais ce qui me casse les pieds, c’est par rapport à la pêche et à la position de l'Europe, qui ne veut plus aider à renouveler les bateaux. C'est un échec, car on aurait des bateaux moins énergivores, qui permettraient aux marins de travailler plus en sécurité, d'avoir une qualité de poisson meilleure. Ce ne sont plus des prédateurs les pêcheurs ! Cela fait dix que je dis à l'Europe et à la DPMA qu'il faut aider au renouvellement de la flotte. Et je me bats pour la recherche sur les stocks et sur la pollution ! 

Que fait-on après la politique ? Quelle sera la vie d'André Lubrano demain ? 

Ma famille. Mes amis bien sûr. Des balades sur l'étang. À travers toute la région et la France. Et puis si on me confie des missions je les accomplirai. Et puis un retour au bercail. Je vais revenir habiter à la Pointe Courte, où je suis né. 

Une enfance à la Pointe Courte, sous le regard de Varda.
Une enfance à la Pointe Courte, sous le regard de Varda. Midi Libre - Midi Libre

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