Envoyé au bagne de Cayenne, le docteur Laget va encore y empoisonner quelqu'un en 1944 : lui-même
Ayant vu sa condamnation à mort graciée par le président Doumer, le condamné Pierre Laget échappe à la guillotine, mais pas au bagne. Il va y survivre une dizaine d'années, avant de décider de mettre fin à ses jours.
Trois mois après sa condamnation à mort, Pierre Laget échappe à la guillotine : comme c’était très largement l’usage pendant les années 30, le Président de la République d’alors, Paul Doumer, fait jouer son droit de grâce. La peine du docteur Laget est commuée en travaux forcés à perpétuité, à purger dans un cadre très particulier : celui du bagne de Cayenne, synonyme pour beaucoup de mort lente.
Les « relégués », comme on appelait alors les bagnards, partaient depuis l’île de Ré : le 29 septembre 1933, il embarque avec des dizaines d’autres condamnés pour, où il accostera un mois plus tard.
"Courbé sous sa charge et son malheur"
Le départ des 483 bagnards est raconté par Maurice Coriem, dans Police-Magazine : "Le docteur Laget… C’est un petit homme au nez fort qu’il a chaussé de lunettes noires. Son crâne se dénude sous un bonnet trop court. Il tient sous le bras, maladroitement, son sac où je lis ses initiales. […] Et courbé sous sa charge et son malheur, le docteur Laget, ancien notable de sa ville, décoré de la Légion d’honneur, le docteur Laget, matricule 6055, enfin descend dans le bateau, mêlé au flot brun de ses terribles compagnons."
Infirmier à l'île Royale
Pierre Laget est à l’arrivée affecté aux îles du Salut, et plus particulièrement à l’île Royale, où se trouve entre autres Guillaume Seznec. Les conditions de détention y sont difficiles, mais moins insalubres que sur le continent : une quarantaine d’hommes sont logés dans un grand baraquement, où Laget, comme il l’avait fait dès la traversée, se propose de servir d’infirmier, vu ses compétences médicales.
Son bon comportement va lui valoir petit à petit des avantages : en 1938, il est promu détenu de première classe, ce qui lui donne l’autorisation de dormir non plus au casernement, mais dans la case de l’infirmerie, à l’écart de la promiscuité des bagnards. Et obtient la même année la réduction de sa peine de travaux forcés, de la perpétuité à vingt ans.
Lorsque le projet d’évacuer définitivement les bagnards de l’archipel se concrétise, Pierre Laget écrit au directeur du bagne pour qu’on le laisse sur place "aussi longtemps que la présence d’un infirmier transporté y sera jugée nécessaire."
Une ultime lettre
En 1944, alors que son état de santé se dégrade, Pierre Laget est dispensé des travaux forcés. Mais le 1er septembre 1944, le médecin principal le trouve inconscient, dans l’hôpital où Laget officiait, et où il a réussi à dérober des médicaments, pour s’empoisonner, cette fois, lui-même. En laissant une ultime lettre : "C’est volontairement que je me tue, non pour me faire justice mais parce que j’en ai assez. Inutile de chercher, si je vis encore quand on me trouvera, de me soigner. Avec ce que j’ai pris, ce n’est qu’une question de minutes pour que la mort soit là, rien n’y fera. Adieu à tous et je pardonne."
J'ai déjà un compte
Je me connecteVous souhaitez suivre ce fil de discussion ?
Suivre ce filSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?