En Occitanie, un mouvement de colère qui s’installe durablement "au pays de la résistance agricole"
Terre de contestations, le Midi ne faillit pas à sa réputation et à sa tradition historique, avec ce mouvement des agriculteurs qui ne faiblit pas.
C’est une colère sourde, dont les premiers échos ont résonné à bas bruit, mais qui s’amplifie rapidement. Depuis le Midi comme souvent, l’ancien Midi rouge, l’une des plus vastes régions viticoles au monde.
À Narbonne, le 25 novembre, ils étaient 3 000, selon la police, deux fois plus d’après les organisateurs, à défiler pour venir manifester "colère, abattement, et ras-le-bol généralisé". Il s’agissait là des seuls vignerons, pensait-on, mobilisés pour exiger des mesures d’aides à une filière en crise.
"Aucune autre n’a eu à supporter un tel cumul de facteurs politiques, économiques et climatiques en quelques mois. Les vignerons vivent une violence économique inouïe" avait alors rappelé, à tous les micros qui se présentaient à lui, Jean-Marie Fabre, le président national des Vignerons indépendants de France.
De Narbonne à Montpellier
La manifestation s‘était déroulée dans le calme, mais si elle avait été organisée à l’appel du syndicat des Vignerons indépendants de France, celui des Jeunes agriculteurs (JA) et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) y avaient également participé. Ainsi que nombre d’élus, ou d’acteurs de la ruralité, tous horizons confondus.
Une ruralité qui quelques mois plus tôt, le 11 février, à Montpellier cette fois, avait rassemblé 13 000 personnes pour défendre valeurs, traditions, cultures, art de vivre, terroirs et territoires. Là encore dans le calme, mais, déjà, flottait un sentiment diffus de colère. Et nombre de ceux venus dire leur attachement à la ruralité se sont retrouvés aux côtés des vignerons à Narbonne, maires, éleveurs de taureaux, ou agriculteurs de tous horizons.
Inflation et normes honnies
Et puis le manque d’eau dans une période de sécheresse historique pour les départements de l’ex-Languedoc-Roussillon (voire inédite en ce qui concerne celui des Pyrénées-Orientales), l’inflation, sur les prix de l’électricité ou des carburants notamment, avec la hausse des coûts de productions qui en découle, ou les importations massives de produits venus d’Ukraine ont attisé la grogne.
Sans oublier ces directives européennes honnies par les agriculteurs, particulièrement celles relatives à l’agroécologie et à la protection de l’environnement, qui ont achevé de donner des raisons à cette colère.
D'abord en Allemagne et aux Pays-Bas
Qui explose partout. En Allemagne, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Pologne, d’abord. En France désormais. De Rennes à Carcassonne (avec une explosion dans un bâtiment – vide - de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), d’Avignon à Laval, se multiplient les démonstrations de fronde.
Avant de se cristalliser sur l’A64, entre Toulouse et Tarbes. Là où débute "le pays de la résistance agricole", selon les mots, prononcés sur BFMTV, de Jérôme Bayle, éleveur en, Haute-Garonne devenu la figure emblématique du mouvement. Un peu comme l’Audois Frédéric Rouanet, président du syndicat des vignerons de ce département, incarna le visage de vignerons excédés.
"Ça va péter" avait-il anticipé dans Midi Libre, avant le rendez-vous de Narbonne. Et des souvenirs des actions musclées du Crav (Comité régional d’action viticole), de se rappeler au souvenir des autorités. Qui se souviennent aussi du mouvement des “gilets jaunes”.
"La place de l’agriculture dans nos sociétés"
Et maintenant ? Au cœur de cette actualité, sous sa double casquette de députée européenne (majorité présidentielle) et de vigneronne (à Fontanès, dans l’Hérault), Irène Tolleret pose le constat : "L’agriculture européenne est une force, mais elle se rend compte, face à ce qu‘on lui demande parfois, que le bon sens paysan aurait commandé de faire autrement. Il y a un ras-le-bol sur un empilement de normes, et une désespérance. On ne peut pas dans le même temps demander des normes européennes environnementales et dire que sous prétexte qu’il y a la guerre en Ukraine on va importer des quantités très importantes sans respecter ces normes. Les agriculteurs vivent toutes ces incohérences. Et ils sont en train de nous dire : “Au secours, on existe, aidez-nous !” Le fond du problème c’est la place de l’agriculture dans nos sociétés."
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