"Trop traumatisant à revivre" : Marielle, la veuve d'Arnaud Beltrame, n'ira pas au procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne
Exclusif Midi Libre. La veuve du colonel de gendarmerie assassiné le 23 mars 2018 à Trèbes par Radouane Lakdim, dont les comparses sont jugés à partir de lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris a accepté un bref échange. A son image, tout en pudeur et en discrétion. Julie, l'otage qui a été sauvée par Arnaud Beltrame, va elle s'efforcer d'aller au procès, malgré les séquelles du traumatisme qu'elle a subi.
Juste quelques mots, en réponse à la longue liste de questions envoyées par mail. À la veille de l’ouverture à la cour d’assises spéciale de Paris du procès des comparses du terroriste qui a assassiné son mari, Marielle Beltrame reste fidèle à son attitude, depuis ce terrible crime. Discrète, en retrait, au-delà du chagrin et du deuil.
"C’est ma nature" glisse-t-elle simplement dans ce court échange, en exclusivité pour Midi Libre. La douleur d’avoir perdu le 23 mars 2018 son mari, le colonel Arnaud Beltrame, qu’elle devait épouser religieusement cet été-là, est toujours vive. À cause de cette souffrance, elle a décidé de ne pas assister à ces cinq semaines d’audience.
Le réconfort de la foi à l'abbaye de Lagrasse
"De l’ordre du trop traumatisant à revivre" lâche-t-elle, pudique. Le couple préparait depuis plusieurs mois cette union auprès des chanoines de l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude. Chaque jour, la foi lui apporte du réconfort, face à l’absence de l’homme qu’elle aimait.
"Je sais qu’il est vivant, et très heureux là où il est". Quant à l’admiration pour le geste héroïque de son mari, qui a pris la place entre les mains du terroriste, de Julie, la caissière tenue en otage, la veuve de l’officier de gendarmerie l’élude presque. "Tant mieux s’il inspire et en encourage d’autres, aussi, vers le bien."
"Je suis encore en état de panique" avoue Julie
Julie Grand, 46 ans, a elle aussi bien du mal à parler. Au téléphone, la voix est blanche, entrecoupée de silences. "Aujourd’hui, mon quotidien s’est apaisé, je me suis mariée, la vie devrait être facile… Et c’est maintenant que je me rends compte des séquelles que je traîne. Je fais des cauchemars, j’ai du mal à me concentrer, et j’imagine toujours le pire. Je lutte contre ce sentiment de la catastrophe qui va me tomber dessus. Ça paraît fou de dire que je suis encore en état de panique, non ? Mais c’est vrai."
Une heure aux mains du terroriste
La catastrophe, c’était ce jour terrible où Radouane Lakdim l’a prise en otage pendant près d’une heure au Super U de Trèbes, après avoir tué deux personnes. "Le temps passé seul avec lui a été très intense. Je me suis interdit d’avoir la trouille, parce que la peur empêche de réfléchir."
Elle s’est alors souvenue d’une formation à la communication en situation difficile. "Je me concentre sur ma gestuelle et ma respiration, sur ce que je peux dire ou pas. Ce sont de longues minutes à me dire, là, je vais y passer… Par où les balles vont-elles traverser mon corps ? Est-ce que les médecins pourront me faire survivre ?"
"Arnaud Beltrame a évité un bain de sang"
Alors qu’elle tente d’attirer le terroriste vers l’entrée du supermarché, en espérant qu’un sniper pourra l’éliminer, une colonne de gendarmes arrive. "C’est devenu extrêmement tendu et violent. Les balles allaient fuser". Elle sent le canon du pistolet du tueur trembler contre son crâne. "C’est là qu’Arnaud Beltrame est intervenu. Il a évité un bain de sang."
Une voix claire : "Vos gueules, reculez, je prends." Et cet échange avec Lakdim : "Relâche la petite dame, elle n’y est pour rien. Je représente l’État, prends-moi à sa place."
Julie l’assure : "J’ai vu que c’était un bon négociateur qui choisissait ses mots avec soin. Qui avait du cran, et beaucoup de savoir-faire, dans sa mission, qui était de protéger. Il avait des compétences professionnelles qui auraient pu lui sauver la vie et plus de chances que moi d’en ressortir vivant. Mais les choses n’ont pas tourné de façon favorable. Il a été assassiné."
La culpabilité et la douleur pour Marielle Beltrame
Un poids présent, depuis, dans sa vie. "Je n’ai pas une culpabilité brute, immédiate. C’est plus fin et plus tortueux que cela. J’ai une douleur infinie quand je pense à son épouse. J’avais le sentiment de lui devoir ce témoignage public, avec mon livre*. "
Profondément athée, Julie a récemment, elle aussi, trouvé la foi à l’abbaye de Lagrasse. "Quand je panique, je prie. Au quotidien, j’y trouve un grand apaisement". Viendra-t-elle au procès ? "Je vais assister à des bouts, si j’ai le cran. J’ai encore besoin de comprendre comment il a préparé son coup. Savoir si le choix du Super U était un hasard." Marielle Beltrame, elle, ne sera pas là. Au fait, comment va-t-elle ? "A n’importe quel inconnu que je rencontrerais, et donc à des journalistes, je dirais juste : "Bien, merci." Pudique, discrète. Jusqu’au bout.
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